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La série « Pomme et les cinq sens » vise à accompagner les jeunes enfants dans leur compréhension de sujets sensibles et délicats.

 

Papillons passés

Résumé :

Grâce au dialogue avec sa grand-mère et en faisant appel à ses sens, Pomme, 6 ans, cherche à comprendre et accepter la mort récente de son grand-père.

 

 


Mamie, ça fait beaucoup de gros dodos maintenant ! Au moins… tous mes doigts ! dit Pomme en regardant ses deux mains.

Est-ce que Papi va  bientôt rentrer ? C’est long d’attendre.

Quand il sera là, je  m’accrocherai à sa jambe comme un ouistiti. Alors il me fera monter dans ses bras. Je lui ferai un bisou et je lui dirai : Papi tu piques comme un porc-épic.

Mamie caresse la joue de Pomme : Papi est parti pour de bon, il ne rentrera pas à la maison.

Vraiment ? Jamais ?

Comment faire pour me souvenir du piquant de ses joues sur mes mains ?

Mamie réfléchit un instant et part chercher quelque chose dans le placard. Elle revient avec la casquette de Papi et la tend à Pomme.

Ça gratouille sous mes doigts, remarque Pomme,  mais oui, on dirait  la barbe de Papi !

 

 J’ai une idée, j’irai, moi, voir Papi. Ensemble nous ferons un concours de grimaces. Je loucherai en sortant ma langue et lui, il tirera sur ses oreilles en montrant toutes ses dents. Ensuite, je lui dirai : Papi, pour les singeries tu es champion toutes catégories.

Mamie sourit en regardant Pomme : Papi est très loin… bien trop loin pour que tu puisses le rejoindre.

Dis-moi, comment faire pour garder son image dans mes yeux ?

Mamie ouvre la fenêtre et montre à Pomme deux arbres du jardin : un jeune pommier et un vieux chêne.

Regarde Mamie, s’exclame Pomme,  le chêne ressemble à Papi avec ses cheveux ébouriffés…. mais oui, Papi est le grand chêne et moi, le petit pommier et nous jouons à « loup glacé ».

 

Tu sais, lorsque Maman me prêtera son téléphone, j’appellerai Papi. Je lui parlerai de mes amis, je lui réciterai mes poésies. Il dira que je suis une sacrée bavarde et il me racontera des blagues. Alors je lui dirai : Papi, tu rigoles, c’est toi le moulin à paroles !

Seulement la voix de Papi s’est éteinte, murmure Mamie dans un souffle.

Alors comment me rappeler le son que ses mots chantaient à mon oreille ?

Mamie amène Pomme dans la véranda. Elles entendent des gouttes tomber doucement sur le toit. Plic… ploc, plic… ploc… fait la pluie.

Ecoute Mamie, s’étonne Pomme, l’eau sur le toit sonne comme une musique… mais oui, on dirait un air que Papi  fredonne en faisant claquer ses doigts.

 

Pour mon anniversaire, je commanderai mon repas préféré : lasagnes et gâteau Cho’coco. Je dévorerai tout sans laisser une miette dans l’assiette. Ensuite, je lèverai haut mon verre et je dirai : Bravo, mon Papi est  le roi des cuistots.

Mamie pose sa tasse de thé pour expliquer : Papi ne fera plus ses bons petits plats.

Alors comment retrouver sur ma langue le goût du fondant au chocolat que j’aime tant ?

Mamie ouvre un tiroir et en sort un livre de recettes. Elle le feuillette un instant puis le donne à Pomme.  

 « Gâteau Cho’coco », s’écrie Pomme, mais c’est la recette de Papi ! Oh, Mamie, apprends-moi à le cuisiner. Chaque fois que je ferai son gâteau, ce sera comme si Papi l’avait fait pour moi.

 

Lorsque j’aurai du chagrin, je chercherai  les grands bras de Papi  pour me consoler. Comme il ne sera pas là, je me cacherai dans sa vieille couverture pour sentir une fois encore son odeur. Après c’est sûr, je serai moins triste, car  Papinou est comme un gros doudou.                        

Mamie soupire : il faudra bien un jour laver cette couverture… et elle ne sentira plus Papi.

Dans ce cas, comment faire pour garder son parfum dans mon nez ?

Mamie ferme les yeux et prend une grande inspiration : Que sens-tu lorsque tu penses à Papi ?

Je sens le feu de cheminée en hiver, je sens aussi les feuilles de menthe frottées sur le bout de mes doigts en été… mais oui,  ces odeurs me rappellent Papi, un peu comme un parfum magique qui guérit tout.

 

  

Mamie ? Tu pleures ?

Oui, Pomme, répond Mamie, je suis triste car Papi me manque énormément.

Mamie, demande Pomme, c’est comme ça quand on est mort, on part pour toujours et on laisse de la tristesse à ceux qui restent ?

Parfois quand je pense à Papi, ma tête est pleine d’idées noires…  je ne vois plus les belles couleurs de la vie et j’ai de la peine.

Tu crois qu’il faut oublier Papi pour ne plus avoir de chagrin ?

Pomme, penser à Papi nous offre aussi de beaux souvenirs qui nous font sourire : des sensations précieuses que nous gardons, des images comme un voyage que l’on partage, des histoires qui restent dans nos mémoires, des saveurs, des douceurs, des traces qui jamais ne s’effacent.

Ces souvenirs sont des bouts de passé qui nous accompagnent vers l’avenir.

Peut-être qu’il faut juste leur trouver une nouvelle place, quelque part dans un petit coin de notre tête.

Peut-être, Pomme.

Alors mes souvenirs avec Papi seront des papillons multicolores dans un coffre à trésors que j’ouvrirai chaque fois que je le voudrai.

Mamie, avec toutes ces couleurs, je ne serai jamais triste très longtemps.