Me voilà fille du vent

Bousculée par un jeu imposé,

L’amarre brutalement arrachée,

Sans attache, dérivant

 

Me chantais fille de roc

A la pierre solidement ancrée

Quand mon sol soudain s’est dérobé

Sous l’onde de choc

 

Au bout des terres, poussée,

Trainée à flanc de roche, déchirée

Entre Sirocco et Alizé

Sans repères, terrifiée

 

Puis trop vite adoptée,

Sans raison ou permission donnée,

Affublée d’un nouveau pédigrée

Mais de force imposé

 

Ô carcan rassurant

Et dans l’habitude corsetée

Je te subis, triste liberté,

Déroutant changement

 

Mon âme sauvage

D’autres liens se refuse à tisser,

Se mure dans l’incapacité

De tourner la page

 

De ce vent inconnu

Je n’ai rien envie de connaître,

Il me semble si loin de l’être

Que trop tôt j’ai perdu

 

Soupirant courant d’air,

Froissé d’être ainsi rejeté,

Glisse au loin sans se retourner,

Voleur de repères

 

Me croyais solide

Aux interfaces déficientes

Mais je perds pied sur cette pente

Qui mène au vide

 

Ce manque improbable

Ravage mon cœur anémié,

Accro que rien ne vient soulager,

Maux inavouables

 

Depuis ce cœur désert

Je suivrai la piste des géants

Ma bouche comme un gouffre béant

Souffleuse de poussières

 

Sans jamais renoncer,

Je remuerai ciel et terre

Mon corps entier vague colère

Ira les mers défier

 

Dans les vents contraires

Tournerai à en perdre raison

Passeront jours, mois et saisons

Sans voir la lumière

 

Enfin, peut-être un soir,

Dans un feuillage, résonnera

Le chant insouciant qui bercera

L’espoir de le revoir

 

Dans un piège l’attirer

Dessous ma porte… par appel d’air,

Pour le garder serais geôlière

A perpétuité

 

Jusqu’à me raviser,

Car on ne peut le vent modeler

Il convient de le laisser passer

Pour enfin l’apprivoiser

 

Me voilà fille du vent,

Fille d’un souffle insaisissable

Sur des chemins peu carrossables

Entre mes doigts, glissant

 

Vent libre un rien voyou,

Buissonnier plus que sauvage

Parfum d’hiver, piquant présage

Qui empourpre les joues

 

Vagabond des sommets,

Je marche dans ses pas saccadés

Musicien, par son rythme sifflé

A travers mes volets,

 

Long courrier voyageur,

Vent nomade sans vague à l’âme,

Des braises ravive la flamme

Au foyer protecteur

 

Air tiède et changeant

Annonceur de pluie nourricière,

A son idée, façonne la Terre,

Amoureux artisan

 

Rarement tourbillon

Frôle la main d’une caresse

Belle nature, douce paresse

Sur la fleur, papillon

 

Intrépide courant,

Insatiable, plein d’appétence,

Libre passeur de connaissances,

A l’ordre résistant

 

De l’été au printemps

Vent généreux au jardin semant,

 

Rêveuse aux étoiles soupirant,

Me voilà fille du vent 

(Septembre 2017)