1, 2, 3… ROMAN !  Des romans en trois chapitres qui s’adressent aux jeunes lecteurs.

 

 

CHAPITRE 1 : Cantine Panique !

Papa dit que c’est une sacrée chance et que ça va mettre du beurre dans les épinards.

Maman sourit même si je crois qu’elle est un peu stressée.

Et moi, et bien… comme maman a trouvé un travail et qu’elle commence lundi, me voilà condamné à la cantine à perpétuité !

J’ai envie de dire qu’avec ou sans beurre, ce n’est pas mon truc les épinards, mais comme ils ont l’air heureux, je ne dis rien, et là, c’est moi qui  commence à avoir la pétoche.

La cantine, j’y ai déjà mis les pieds une fois ou deux. Je ne suis pourtant pas une poule mouillée, mais ça m’a refroidi !

D’abord, on ne choisit pas ce qu’on mange, ensuite, on doit finir son assiette et pour finir, certains copains se transforment en fauves entre la classe et le réfectoire : ça crie, ça fait des bêtises. Alors, Louise, la dame de cantine, passe son temps à gronder tout le monde.

Bref, la cantine c’est la loi de la jungle : manger ou être mangé.

 

Lundi matin est arrivé et la maîtresse fait l’appel. Nous devons répondre présent et dire si nous mangeons à la cantine.

– Martin ?

J’ouvre la bouche et la referme sans un mot.

– Martin, insiste la maîtresse, ta maman m’a dit que tu vas à la cantine aujourd’hui. Allons !

Les épaules baissées, j’avance au ralenti jusqu’au bureau de la maîtresse et lui tends mon ticket.

Durant toute la matinée, j’ai une énorme boule dans le ventre. A midi, lorsque la sonnerie retentit, je me sens presque fiévreux.

Dans le rang, ce n’est pas mieux, mes jambes flageolent. Heureusement, mon copain Idir est là. Idir est un habitué de la cantoche, comme il dit. Je l’admire, on dirait que rien ne lui fait peur.

Au portail, une jeune fille nous attend. Je ne l’ai jamais vue à l’école. Elle a de longs cheveux noirs attachés en tresses serrées et un grand sourire.

– ça doit être la nouvelle, chuchote Idir, elle vient pour aider le Dragon.

Le… dragon ? Quel dragon ?

– Bonjour les enfants, dit la jeune fille, je m’appelle Lili. Je serai avec vous chaque midi maintenant.

Elle a l’air vraiment gentille, alors je me sens un peu rassuré.

 

CHAPITRE 2 : La colère du dragon

Avant le repas, la désinfection des mains est obligatoire. Devant les lavabos, les ennuis commencent : tout le monde se bouscule, l’eau gicle, le savon glisse et le ton monte.

Surgissant de la cuisine, Louise, la dame de cantine, se fâche :

– Qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Tout le monde à table, en silence et que ça saute !

Tandis que les copains filent s’asseoir, je reste planté là, le savon à mes pieds.

– Alors garnement, tu n’as pas entendu ce que je viens de dire ? poursuit Louise sur un ton autoritaire.

Là, je repense à Idir : oui, Louise ressemble vraiment à un dragon en colère. Je reste pétrifié. Heureusement, Lili prend ma main et m’accompagne jusqu’à une chaise.

Habituellement, je ne suis pas le dernier à me marrer. C’est vrai l’idée d’un dragon à tablier poussant un chariot et remplissant nos assiettes est plutôt comique… seulement, je redoute le moment où Louise va s’approcher et constater que je n’ai pas touché mon entrée.

– Les carottes ne passent pas, mon lapin ? dit-elle sèchement.

Pris de panique, je dérape…

Alors qu’elle s’apprête à déposer une cuillère de paëlla sur mes restes de carottes, je retire vivement mon assiette. Riz, poulet et poivrons se retrouvent sur la table et moi… au piquet.

Lorsqu’elle m’autorise à regagner ma place, Louise me fixe sévèrement. Bravo, je me suis mis le dragon à dos !

Elle me tend une éponge et un seau. Je dois nettoyer mes bêtises, évidemment.

 

En début d’après-midi, impossible de me concentrer sur mon travail : mon ventre gargouille méchamment.

Pendant la récréation, Idir partage sa banane et je retrouve un peu d’énergie.

 

De retour en classe, la maîtresse nous parle d’un nouveau projet : nous allons travailler sur les contes avec une véritable conteuse. Cette nouvelle me change les idées, il faut dire que j’adore les histoires.

 

A la maison, ce soir-là, je suis tellement affamé, que je dévore tout. Oui, même les courgettes.

 

CHAPITRE 3 : Des histoires à se mettre sous la dent

Le lendemain matin, je suis en pleine récitation, lorsque quelqu’un frappe à la  porte.

C’est Lili ! Je tremble… c’est déjà midi ?!

En fait, la maîtresse explique que Lili est conteuse.

– J’ai grandi en Afrique, précise Lili. Mon grand-père était le conteur du village. Il m’a transmis sa passion des légendes africaines.

Grâce aux contes, nous découvrons un monde passionnant, peuplé d’étranges personnages. Lili s’accompagne de chants et de musique, elle est vraiment douée.

A la récréation, Idir veut jouer au conteur.

– Allez, tu seras mon public, dit-il.

Mais je pars seul dans un coin. Je suis patraque et j’ai bien du mal à retenir mes larmes.

– Que t’arrive-t-il ? s’inquiète Lili qui a tout vu.

Je lui réponds à voix basse :

– Je crois que j’ai la « cantine panique ».

Et puis j’explique : je parle du bruit, de la peur d’être grondé et même du dragon.

Lili réfléchit un moment puis mystérieuse, elle s’exclame :

– J’ai peut-être une idée…

Je la dévisage un peu surpris.

– Tu sais, me dit-elle, en fait, Louise est comme toi, elle n’aime pas beaucoup l’agitation.

 

Lorsque nous retrouvons Lili à midi, elle annonce :

– Une surprise vous attend à la cantine. Les enfants, je compte sur vous pour vous installer rapidement.

Intrigués, les copains sont bientôt à table. Je m’étonne de voir Louise baisser discrètement quelques stores. La salle prend des allures de théâtre. Des bruits de percussions retentissent et Lili apparaît un tam-tam entre les mains. Le conte peut commencer.

 

Même les plus bavards d’entre nous semblent captivés par l’histoire de Lili.

– Cool, c’est comme un dîner spectacle, chuchote Idir, la bouche pleine.

Je finis mon assiette sans même le réaliser.

Louise n’est pas si effrayante lorsque nous mangeons calmement.

– Alors, c’était bon, mon lapin ? me demande-t-elle au dessert.

J’ai envie de dire que je ne suis pas un lapin, mais je fais seulement oui de la tête, parce qu’il vaut mieux éviter de contrarier un dragon !

 

Depuis ce jour-là, je n’ai plus peur de manger à la cantine. Les contes de Lili sont magiques : ils calment les enfants excités et même les dragons énervés.